Publié le 1 octobre 2021–Mis à jour le 14 novembre 2024
Au nom des Autres Enquête multi-située du militantisme pour un « tourisme durable »
Date(s)
le 25 novembre 2024
à 14h00
Lieu(x)
Bâtiment Pierre Grappin (B)
Bâtiment B - Salle B016 Paul Ricoeur
Mme Amandine SOUTHON, présente ses travaux en soutenance en vue de l'obtention du diplôme Doctorat Lettres & Sciences Humaines
Section CNU : 19 - Sociologie, démographie
Unité de Recherche : SOPHIAPOL : Sociologie et Philosophie Politique
Directrice : Saska COUSIN, Professeur des universités
Codirectrice : Anne DOQUET, Chargée de Recherche
Membres du jury
M. Nicolas BAUTES, Professeur des Universités, Université Montpellier III
M. Christophe GUIBERT, Professeur des Universités, Université d'Angers
Mme Nadège CHABLOZ, Ingénieur de recherche, EHESS
Mme Marie-Hélène LECHIEN, Maitre de conférences, Université de Limoges
M. Pascal VALLET, Professeur des universités, Université Paris-Nanterre
Mme Saskia COUSIN, Professeur des Universités, Université Paris Nanterre
Mme Anne DOQUET, Chargée de Recherche, Institut recherche pour le développement
Résumé
Depuis le début des années 2000, des collectifs d’acteurs français se mobilisent pour définir et structurer un « tourisme durable », au travers de l’appropriation de terminologies variées (tourisme « responsable », « solidaire », « équitable » etc.), visant à réduire les « impacts » dont ce secteur serait responsable, en particulier dans les pays du Sud, par l’organisation de séjours « alternatifs » élaborés avec les populations locales. Ici, l’aide aux plus démunis et la rencontre constituent les piliers de ce dessein militant renversant ainsi les logiques habituelles du tourisme en priorisant les « besoins » des hôtes, devant les désirs des voyageurs. Dans les récits produits sur ce mouvement international, là encore, il est souvent fait état d’une histoire construite « par le bas » par des collectifs d’acteurs du Sud ayant trouvé des appuis auprès de militants dévoués au Nord. Si ces narrations ont accompagné mes premiers pas au sein d’un collectif d’acteurs se réclamant du « tourisme équitable et solidaire », elles sont rapidement devenues inopérantes pour décrypter les tensions vives observées entre les membres de ce réseau, mais aussi sur les lieux d’accueil des voyageurs, ouvrant la voie à un questionnement sur le rôle (effectif ou projeté) joué par cet Autre convoqué dans cette forme de « tourisme alternatif ». Après un retour historique sur les genèses du « tourisme durable », soulignant notamment le rôle donné aux populations hôtes (pensées comme des entités homogènes et figées) dans la légitimation de ce paradigme, je montre comment s’est structurée en France, une « communauté de préoccupations » dévouée au « développement » des « Autres lointains » par le tourisme « équitable et solidaire ». Ces derniers, largement absents des débats qui les concernent pourtant, semblent alors constituer un prétexte au renforcement d’un entre-soi toujours plus exigu et dominant, jugé collectivement nécessaire pour préserver un droit à l’intervention duquel dépend le salut de ses membres. Ensuite, à partir d’une enquête de terrain menée sur des séjours organisés en Inde, dans des villages du Madhya Pradesh et du Rajasthan, j’explique comment, en contexte, les acteurs locaux s’approprient, adaptent, détournent et négocient l’activité touristique pour répondre à leurs propres « aspirations » individuelles et collectives. Par un renversement de perspective, je montre tour à tour que les touristes alors préparés au nécessaire relativisme culturel et ainsi rendus malléables, servent ici d’alibi à des luttes politiques oscillant entre conservatisme et progressisme. Enfin, dans un ultime changement de point de vue, je souligne combien les acteurs locaux rencontrés viennent à leur tour nourrir une introspection individuelle des voyageurs, constitutive de rapports renouvelés aux autres et à soi. Cette recherche souligne alors que, loin de servir de simples intérêts individuels ou collectifs, l’Autre ou plutôt le tourisme est prétexte à penser l’articulation des rapports de pouvoir et constitue ainsi un révélateur précieux du contemporain dans ses dynamiques de changement social.